Ma grand mère se meure

Je pensais ce soir que j'étais venu au chevet de ma grand mère qui est en train de partir, pour soutenir mon père et mon oncle. Je me croyais distant, attaché uniquement à ceux qui vont rester au delà de ce passage. Mais ce n'est pas si simple.

Sur place une partie de la famille s'est rassemblée, chez elle, pour venir parler, de petit rien, de la mort que l'on a tous déjà croisé, des petit tracas organisationnels, de la vieillesse. Des « small talk » comme disent les américains, parler de tout et de rien, histoire d'être ensemble, être tous là autour d'elle.

Elle est mourante. La maladie lui a enlevée depuis 3 ans, morceau par morceau son autonomie et sa capacité à la socialisation. La mémoire est partie la première. Source de frustration mais pas la pire. Puis la parole s'est fait de plus en plus difficile. La vie a perdue de sa saveur. L'être humain est un animal social, le mot est notre lien. Elle qui l'avait aimable et plein d'esprit s'en est vu privée, murée petit à petit dans le bégaiement, puis le silence.

Une femme courageuse est en train de nous quitter. La vie s'accroche encore alors que la mécanique du corps a quasiment abandonnée. Nous sommes là à côté, à deviser comme si elle était déjà partie. Nous, nous arrêtons et tournons la tête vers elle lorsque sa respiration fait une pause, une pause interminable, une pause assourdissante de silence. Est-ce la dernière ?

A cette instant je songe à ce savoir acquis durant tout une vie, presque 1 siècle. Ce savoir être, ce savoir faire, ce savoir écouter, ce savoir compatir, ce savoir éduquer, ce savoir aimer... tous ces savoirs qu'il est si difficile de transmettre. Et puis il y a cette culture de son temps à la sauce de l'air du temps, mélange de vielle France comme dirait ma mère et de modernité, déjà en avance d'une génération, n'hésitant pas à faire du parachute ascensionnel à 65 ans, ou qui partait à l'aventure jusqu'à 75 ans sur les routes d'Europe en camping avec ses amis du même âge.

Par dessus tout elle aimait sa famille et travaillait d'arrache pied à être la glu entre tous les cousins, cousines, oncles et tantes, quelque soient les aléas géographiques ou humains qui auraient pu se mettre en travers de cette mission.

Je ne croyais pas que les larmes me viendraient si facilement en allant lui rendre visite peut être pour la dernière foi. Les mots ne sont pas sortis lorsque j'étais près d'elle tout à l'heure et c'est pourquoi ils sortent maintenant. Ils lui sont bien sûr dédiés.

Ma mémé tout terrain s'en va. Je ne suis pas triste, je suis ému.

Partager Partager ce billet sur les réseaux sociaux

Commentaires

1. Le dimanche 17 février 2008, 22:52 par Pierre Guillery

Les larmes, les mots. Avant de l'avoir vécu, c'est impossible d'en parler, de comprendre vraiment. Après, on peut, j'imagine, partager. J'ai pris conscience de ma mortalité en voyant partir mon père. Le flot de la vie... Une pause, bon vent, Mémé !

2. Le dimanche 17 février 2008, 23:33 par Eric

Bon courage.

3. Le lundi 18 février 2008, 08:28 par BRIGITTE

................courage;brigitte

4. Le lundi 18 février 2008, 14:04 par Cedric Augustin

Merci de vos messages.

Les souffrances sont terminées. Elle ne vit plus maintenant que dans les mémoires de ceux qui l'ont connue ou aimée.

5. Le mardi 19 février 2008, 07:08 par JCR

Ta Grand Mère vit dans ton coeur. Il faudra un peu de temps avant de le ressentir mieux. Et puis le grand remembrement cosmicoWeb rassemblera tous ceux qui s'aiment, un de ces jours...

6. Le mardi 19 février 2008, 20:24 par Fanette

Puissions nous être aussi solides et courageux qu'eux, c'est une génération exceptionnelle, je comprends ton émotion pour l'avoir vécue il ya 3 ans une mémé de 86 ans qui a vécu 10 vies de suite...Courage ;-)

7. Le mercredi 20 février 2008, 19:38 par Jacqueline

Bon courage Cédric,l'âge ne fait rien à l'affaire! les gens qui nous sont chers continuent à vivre en nous par ce qu'ils nous ont apporté, et ça c'est formidable!

8. Le jeudi 21 février 2008, 15:50 par nathalie

avec toute mon amitié.
Elle vivra aussi dans la mémoire de ce qu'en raconteront tes enfants à leurs enfants...au delà des générations...

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

Fil des commentaires de ce billet