Bienvenue à Disneyland

J'ai annoncé dans un précédent commentaire que j'irais faire un tour en ségoland. Voici le premier opus.

Alors comme ça je me suis rendu au meeting à Nice de Ségolène Royal. Autant vous le dire tout de suite, j'ai été très déçu. Je ne m'attendait pas à ce qu'elle me retourne, mais au moins avoir de la matière à réfléchir, s'interroger et critiquer. Je me retrouve à critiquer la forme en l'absence de fond. Trois mots résument mon sentiment : vacuité, manipulation et Disneyland.

Les faits

Arrivé avec près d'une heure de retard et après nous être bagarré pour trouver une place de stationnement, nous avons eu la surprise que la candidate socialiste ne soit toujours pas là. Elle avait été retardée par un détour auprès de la famille d'un motard décédé lors d'un tragique accident de la route. Du coup, nous avons pu entendre la totalité de son discours, mais de dehors, les portes de la salle étant closes (des fois que ceux qui étaient dedans veuillent s'échapper), à nous geler les arpions à piétiner sur place. Elle fut indulgente, son discours à durée exactement 35 minutes. Nous n'aurions assurément pas tenu si elle avait fait 1h40 comme François Bayrou. J'ai donc suivi le meeting sur un écran géant, au froid. C'est sûr que ça ne facilite pas l'ambiance. Peut être suis-je négatif à cause de cela ?

Pauvre Allemand

Patrick Allemand, le patron du PS 06 était entrain de faire son discours lorsque la candidate est arrivée. Il n'a pas eu le temps de finir sa phrase et d'accueillir sa candidate, le son était recouvert par la musique. Une fois Ségolène Royal arrivée sur la scène, il n'a visiblement pas réussi à remonter dessus et n'a même pas pu l'accueillir. Pfffuit pas de bisous, pas d'éloge lyrique de sa candidate, pas de photo ensemble devant la salle. Le pôvre. Heureusement que la candidate a parlé des municipales pour le soutenir.

Pas de trop près

Contrairement à d'autres, elle n'est visiblement pas une adepte des bains de foule. Cela peut se comprendre pour une femme. Dans un article de Elle, on apprend qu'il y a toujours des personnes pour mettre les mains où il ne faut pas. Les militants étaient soigneusement tenus à distance par des barrières et un cordon de gardes du corps. Elle s'est précipitée sur la scène et une fois en sécurité, a patiemment attendu que la musique d'accueil s'arrête, pendant environ 2 min gros plan sur son sourire crispé et son visage visiblement fatigué.

Défiance

Introduction par les municipales en parlant de la corruption à Nice : La Vième république sera là pour responsabiliser les élus et ils devront rendre des comptes, car il n'y a pas de responsabilité plus forte ... lutter contre le gaspillage et la corruption. Ca commence bien, j'ai un sentiment désagréable de populisme sur le thème « tous pourris » et une culture de la défiance vis à vis des élus comme avec les jurys populaires.

Même défiance à l'encontre des entreprises : l'état n'aidera plus n'importe qui, seules les entreprises qui prennent des risques et favorisent le dialogue social seront aidées. Comme si l'état et les collectivité territoriales avaient l'habitude d'aider des entreprises qui n'investissent pas.

Ils auront les moyens

L'école remplira sa mission dès la rentrée 2007, elle en aura les moyens. Même chose pour la justice qui elle aussi aura enfin les moyens, tout comme la police. Un claquement de doigt et tous les problèmes seront résolus. Comment ? ...si ils sont bien dirigés et inspiré par un état central. No comment.

Drapeau, Europe et relations internationales

Je ne vais pas commenter cette stupidité de demander à tous les français d'avoir un drapeau chez eux. Et on met une amende à ceux qui ne l'ont pas ? Bla bla sur l'identité, avec répété au moins 3 fois être au clair avec l'identité nationale. Il lui apparait que c'est un préalable pour revenir à la table de l'Europe. Je ne suis pas sûr que lier les deux soit une très bonne idée. Elle veut mettre fin à la diplomatie de la mollesse, du replis sur soi, des intérêts économiques. Moui, je les sent pas, moi, les relations avec nos voisins sur ces bases.

Au milieu de ces âneries, une phrase m'a plut que je reprendrais volontiers à mon compte : On ne demande pas au citoyen d'où ils viennent mais où ils veulent aller. Une jolie maxime républicaine dont j'aimerai connaitre l'auteur.

Coopération vers les pays d'Afrique. Pour le coup, cela me semble être un sujet d'entente national, tout le monde est d'accord dans la classe politique.

Un morceau choisi (approximations de retranscription entre parenthèses) : Les français vont avoir à construire d'autres règles : (un monde idéal où tout le monde est à sa place), où chacun pourra donner le meilleur de lui même, où toutes les différences devront être intégrées. C'est pas beau ça comme projet, du lyrisme, de l'ambition, de l'universalité. Déjà que les français sont taxés d'être prétentieux, après De Villepin, l'ONU n'a qu'à bien se tenir, Royal arrive avec son ordre juste international.

Grève

Bon là j'ai pas tout compris, je vous recopie mes notes concernant son exemple du gagnant/gagnant et donnant/donnant : lorsque nous donnerons à l'entreprise en difficulté pour l'aider en la mettant à l'abri des grèves ...(nous exigerons la) protection des salariés (80% du salaire garanti). Ceux qui étaient avec moi n'ont pas plus compris que moi ce passage. Il faudra faire une recherche, parce que comme ça, ça ressemble à une remise en cause du droit de grève.

Jeunes

Je n'accepte pas que les jeunes vivent dans la précarité. Comme si pour les autres c'était acceptable. Elle propose donc des allocations et des bourses en échange de réformes des filières. Parmi les jeunes, il n'y a donc que les étudiants qui vivent dans la précarité ?

Et pour finir

Petite perfusion concernant l'épouvantail pour la route : le 22 avril ne doit pas être le même que le 21. Dès foi qu'il y en ait qui s'égarent dans d'autres vois. A 20h46, tout est dit, on peut rentrer se mettre au chaud.

En conclusion

La couverture médiatique

J'ai apprécié encore une fois l'angle pris par le journaliste de Nice Matin, François Rosso qui s'est placé dans le registre de l'ambiance, tout comme il l'avait d'ailleurs fait pour la venue de François Bayrou.

En revanche, c'est pour moi une découverte de voir comment un discours aussi vide fourni autant de grain à moudre aux médias. Un mot, une phrase et les analystes passent des heures à extrapoler le message qu'a voulu faire passer la candidate (même chose pour les autres candidats d'ailleurs).

Ici le discours semble être construit spécifiquement pour les médias : format court, remplis de mots clés symboliques, les slogans sont rabâchés mais non expliqués. On donne à l'auditeur du texte qu'il a loisir d'interpréter et surtout qui puisse faire vendre en lançant des polémiques sur des sujets sans intérêt (le drapeau).

Mon sentiment

Des idées à l'emporte pièce, des propos simplistes, voir pour certains populistes, tous les mots clés qui vont bien. Un discours destiné avant tout au médias qui l'entendent tous les jours et cherchent les mots clés qui vont bien et surtout identifient immédiatement dans un propos aussi concis les perles pour le 20h. Je comprend que toutes les personnes de gauche qui ne souhaitent pas se sentir manipulées se sentent mal à l'aise avec des propos de la sorte.

Le dernier candidat socialiste à la présidentielle à être venu à Nice est Mitterand en 1974, et il a perdu à l'époque face à un homme de centre droit. Prémonitoire ?

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Commentaires

1. Le mercredi 28 mars 2007, 20:55 par Simon Pégurier

Il y a aussi sarko vendredi a nice
j'attend donc ton papier sur le sarkoland ;-)

2. Le jeudi 29 mars 2007, 22:36 par Donald

Ce qui vaut pour l'un vaut pour tous au pays des Mickey, certains ont déjà les oreilles...
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Clarens, Vaud, 26 septembre 1885.

Compagnons,

Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n'est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l'exercice du droit de suffrage.

Le délai que vous m'accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j'ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.

Voter, c'est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c'est renoncer à sa propre souveraineté. Qu'il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d'une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu'ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.

Voter, c'est être dupe ; c'est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d'une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l'échenillage des arbres à l'extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l'immensité de la tâche. L'histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.

Voter c'est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l'honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l'homme change avec lui. Aujourd'hui, le candidat s'incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L'ouvrier, devenu contremaître, peut-il rester ce qu'il était avant d'avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n'apprend-il pas à courber l'échine quand le banquier daigne l'inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l'honneur de l'entretenir dans les antichambres ? L'atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s'ils en sortent corrompus.

N'abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d'autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d'action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c'est manquer de vaillance.

Je vous salue de tous coeur, compagnons .

Élisée Reclus
Lettre adressée à Jean Grave,
insérée dans Le Révolté du 11 octobre 1885.

3. Le vendredi 30 mars 2007, 01:25 par Cedric Augustin

Ok, mais si on ne donne pas son vote, comment fonctionne notre démocratie et notre nation ?

Je suis plus intéressé par la vigilance à l'encontre des pouvoirs et notamment par la réintroduction de contre pouvoir dans le système (démarche du candidat que je soutiens). Car aussi imparfaite soit-elle, la démocratie est assurément le meilleur système pour des regroupements aussi vastes que la France ou l'Europe. A plus petite échelle, je veux bien croire que d'autres organisations sont possibles.

4. Le vendredi 30 mars 2007, 14:03 par dumbo

très fin!
de la haute voltige, du grand propos, de l'honneteté, ...
La nouvelle "politique" du renouveau, de l'espoir...
L'ouverture...
Du fond...
bref du Bayroutisme.

bravo, j'adhère.

5. Le vendredi 30 mars 2007, 16:02 par Cedric Augustin

Meuuuuuuh non, du Bayrouscoutisme

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