De l'incompétence de nos politiques

Un élu, une mission

Quelle est la mission d'un élu dans notre société ? Vaste question semble-t-il, mais elle se résume rapidement dans la très grande majorité des cas en une phrase : c'est un cadre de la fonction publique ayant un contrat à durée déterminée[1].

En effet, que demande-t-on à un adjoint ou un maire si ce n'est de gérer une équipe de fonctionnaires, pour en tirer le meilleur au service de son projet politique pour lequel il s'est présenté et a été élu. Même chose pour un conseiller général ou régional avec un portefeuille ou une vice présidence. Les parlementaires dispose non pas de fonctionnaire mais d'attachés parlementaires en CDD comme eux pour préparer les projets de lois[2] qu'ils présenteront ou voteront en séance.

Elire un bon chef

La démarche est donc simple pour les électeurs. Il devraient choisir un bon chef d'équipe, un leader qui saura motiver son équipe, une personne avec des rudiments de ressources humaines, un manager capable de prendre des décisions et enfin une personne ayant quelques notions de gestion pour insuffler des orientations en phase avec des budgets réaliste. Toutes les caractéristiques que l'on retrouve dans un chef d'entreprise compétents[3].

On est très loin de ces critères aujourd'hui dans les profils de nos élus, qui sont majoritairement issus des professions libérales (droit ou médical) et de l'enseignement, profession éminemment respectables, mais absolument pas caractérisées par l'apprentissage de la gestion d'une équipe, et à fortiori d'une équipe de fonctionnaires.

La technique de l'évitement

Quelles sont les réponses de ces élus la plus part du temps pour palier à la complexe problématique des ressources humaines ? La sous-traitance, l'externalisation, contrairement au vrai leader qui se donne pour mission d'emmener sont équipe, toute son équipe, là où il veut, pour atteindre son objectif, en assumant la diversité. Car la problématique n'est pas la gestion des compétences, ce qui est à la porté de n'importe qui, mais bien de gérer les incompétences.

On nous abreuve de mots clés, tous positifs : la gestion des ressources humaines, la gestions des compétences, la gestion des bases de connaissances, le data mining (extraction de données), la gestion de profit... Mais en fait, la réussite passe par la gestion des manques de personnel, la gestion des incompétences, palier le manque de connaissances, trouver des données là où il n'y en a pas, gérer l'absence de profit...

Formation continue toute la vie

Qui forme nos élus à ceci ? Sont-ils supposés avoir déjà ces compétences ? Que l'on m'explique comment un avocat peut avoir acquis ces compétences dans sont activité professionnelle[4]. Alors on me répondra que c'est du ressort des haut fonctionnaires ou des cadres de la fonction territoriale d'assumer ce rôle, l'élu étant là pour insuffler la direction et faire le beau ou la belle lors des inaugurations. Est-ce vraiment pour cela que nous les élisons ?

Il existe dans certaines régions,des services dédiés à la formation et à l'assistance des élus. Des équipes expertes financées par le conseil régional ou général[5] qui accompagnent les élus et leurs équipes dans le maquis administratif. C'est bien entendu indispensable pour les petites communes qui n'ont pas les moyens de recruter des spécialistes.

Les partis politiques comme le MoDem[6] disposent également d'un institut de formation. Pour la première fois, cet institut sera ouvert aux non élus, ce qui peut être une forme de pré-formation pour certains candidats, afin d'apprendre la chose politique, non pas seulement du côté projet ou idéologie, mais aussi administratif. Notons que ces formations ne sont certainement pas gratuites.

Ségrégation au recrutement

Si l'on s'accorde sur la nécessité de former nos élus, ce type de formation encourage aussi la professionnalisation. Un changement du statut de l'élu[7] et des modes de scrutin[8] pourrait fournir un appel d'air pour des gens avec d'autres parcours et d'autres méthodes de travail, à même de renouveler notre personnel politique. Lorsque les parlementaires produisent des lois contre la ségrégation à l'embauche dans les entreprises, ils oublient facilement la ségrégation à l'entrée en politique[9].

http://www.versac.net/2008/02/lise-de-mission.html

Notes

[1] Du moins c'est ce qui se passe dans les municipalités où les adjoints gèrent des équipes de fonctionnaires.

[2] Lorsqu'ils ne sont pas affecté à autre chose, mais là n'est pas la question.

[3] Quant je parle de chef d'entreprise compétent, je sous entend explicitement dont l'entreprise avance, progresse et dure.

[4] Si tant est qu'il n'ai jamais plaidé, comme bon nombre d'ex avocats qui ont été propulsé dans la politique sans jamais avoir à exercer leur métier et qui seraient bien en peine de faire autre chose.

[5] Je n'ai pas les sources sous la main, veuillez excuser l'approximation.

[6] S'inspirant d'un organe existant par le passé à l'UDF.

[7] Rendre le statut de l'élu plus compatible avec la vie professionnelle des autres types de citoyens.

[8] Introduction d'un peu plus de proportionnelle et limitation du cumul des mandats dans le temps et la quantité.

[9] Ségrégation qui les arrange bien, car si elle était levée leur place serait un peu plus en danger.

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Commentaires

1. Le lundi 7 juillet 2008, 13:18 par Arnaud Saint-Antonin

Bonjour Cédric,

Quelques infos en complément de ton article.

Concernant la formation des élus locaux, c'est un droit reconnu par la loi (pour tous les membres des assemblées délibérantes, majorité et opposition). J'ai trouvé une bonne synthèse ici : maires17.asso.fr/spip.php...

Concernant l'accompagnement dans le maquis administratif, les élus peuvent se tourner vers la Préfecture ou Sous-Préfecture dont ils dépendent, ou bien adhérer à des associations d'élus dont la plus connue est l'Association des Maires de France. Il existe également des sociétés privées de type SVP.

Quant au rôle que tu donnes à l'élu, je ne serais pas totalement d'accord avec toi. Il est vain pour un élu de chercher à devenir un technicien du domaine dont il a la charge politique. Compte tenu de la complexité du droit, des normes, des techniques, il devra toujours s'appuyer sur les professionnels dont c'est le travail 8 heures par jour.

Le rôle de l'élu est beaucoup plus fondamental : représenter la population, représenter l'institution, susciter des projets, des pistes d'amélioration, donner une direction, etc. Ceci nécessite une formation adaptée, une capacité de dialogue avec les fonctionnaires, mais pas à proprement parler de compétence de gestion au quotidien. J'ai vécu des situations où l'élu a voulu gérer directement "en manager", en zappant les cadres : cela a toujours abouti à des dysfonctionnements.

2. Le lundi 7 juillet 2008, 22:03 par Cedric Augustin

@Arnaud, je n'ai jamais dit que l'élu doit être ou devenir un technicien du domaine dont il a délégation. C'est bien au niveau de la relation avec les fonctionnaires, spécialistes, que je parle. La gestion humaine et pas technique. Et qui parle de zapper les cadres ?

Faire adhérer les fonctionnaires au projet nécessite d'essayer de les faire adhérer et pas de les laisser sans instruction ou sans objectif, pour ensuite leur reprocher de mal faire leur job comme cela se voit me racontait une cadre d'une collectivité territoriale. C'est un vrai job de leader.

3. Le mardi 8 juillet 2008, 12:48 par Arnaud Saint-Antonin

Cédric,

"Quelle est la mission d'un élu dans notre société ? (...) : c'est un cadre de la fonction publique ayant un contrat à durée déterminée."

"Que demande-t-on à un adjoint ou un maire si ce n'est de gérer une équipe de fonctionnaires".

"[L'électeur] devraient choisir (...) un manager capable de prendre des décisions et enfin une personne ayant quelques notions de gestion pour insuffler des orientations en phase avec des budgets réaliste."

A travers ces phrases j'avais cru voir une vision "technicienne" de l'élu, et non une compétence de relation avec les fonctionnaires. Dont acte.

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