Suite au décès de ma grand-mère, au delà de l'émotion que suscite cette mort, elle entraine des interrogations qui se télescopent avec l'actualité.

Mourir dans la souffrance

C'est ma deuxième grand-mère que je vois partir dans la souffrance, et pour être franc la question de l'euthanasie m'a parcourue la tête les deux fois. Je n'ai pas une position tranchée sur la question[1], mais ces 2 expériences commencent sérieusement à me faire pencher vers la légalisation d'une certaine forme d'euthanasie. Qui, quant, comment, le débat est vaste et sera assurément long et tumultueux comme a du l'être le débat sur l'avortement en son temps. Mais on ne pourra pas éternellement faire l'impasse d'un tel sujet, surtout avec le rallongement de la vie et les progrès thérapeutiques.

Respect et Dignité

Le respect, la dignité. Des mots que l'on emploi pour évoquer les conditions dans lesquelles l'on meurt. Je me repose la question de définir ces termes. Respecter un mourant qui souffre consiste-t-il à le laisser vivre en souffrant ou à abréger la vie pour mettre un terme à la souffrance ?

La lecture des définitions du mot Dignité m'interpelle par rapport à la situation d'un mourant. Où est-elle enseignée cette dignité ? C'est un élément culturel, vague et complexe. Essayez pour voir d'expliquer à un enfant ce que veut dire le mot dignité. Essayer de la matérialiser sous forme de comportements pour prendre conscience que chacun l'exprime différemment. Les impudeurs que je partage sur ce blog sont-elles dignes, participent-elles au respect due à la morte ?

Exposition des enfants

On s’accorde à dire que pour que les gens fassent le deuil de celui ou celle qui nous a quitté, il est préférable d'en voir le corps. Quelque soit l'art de l'embaumeur, cela reste un corps sans vie, un corps grimé pour faire bonne figure. Un visage propre qui mime le sommeil mais qui n'a jamais été porté par l'ex-vivant. Un simulacre pendant que le corps est en train de pourrir.

Voir le corps de ma précédente grand mère ainsi a été pour moi bien plus traumatisant que le regard noir qu'elle nous lançait durant son agonie. Ma mère m'a dit qu'elle en avait eut besoin. Mon oncle exigeait un strict respect des protocoles et traditions pour l'aider à gérer l'émotion. Soit.

Mais faut-il infliger cela aux enfants ? Mon avis est tranché, c'est non ! Je fait référence à une émotion pénible vécue à 25 ans, que je ne souhaite pas transposer à mes enfants de 6 et 7 ans. L'aurais-je vécu de même si j'y avais assisté 20 ans plus tôt ? Si j'avais eut une expérience similaire 20 ans plus tôt ?

Au moment où j'entends le président de la république dire qu'il souhaite faire porter la mémoire d'enfants victimes de la Shoa à des enfants de 10 ans, quelque puisse être le fond de ce projet, ce télescopage médiatique et personnel est difficile à vivre. Je voudrais que mes enfants soient protégés de cette mort laide. Qu'à six ans, ils se contentent pour le moment de la mort d'un poisson de l'aquarium ou d'un oiseau dans le jardin. Qu'ils n'aient pas à gérer plus que l'absence et le chagrin. Que leur soit épargnée la vision d'un corps détruit par la maladie ou par les atrocités d'un génocide. A 6 ans, à 10 ou à 14, je ne sais pas trop si l'on peut être en mesure de "porter" ce genre de mort.

J'ai découvert vers l'âge de 12 ans, un jour par hasard ce qu'avait été les camps de la mort, un mercredi après midi, avant un court d'échec dont le prof était absent. Désœuvrés, nous, nous étions glissé derrière l'écran de la salle de cinéma de la MJC. Ca bougeait et il y avait du son alors nous avons été attiré. Lorsque les autres ont réalisé que c'était un documentaire ils sont parti. Je suis resté, hypnotisé, par ces corps décharnés et cadavériques qui arrivaient encore à marcher hors de leur baraquement à la rencontre des soldats. Cet instant est profondément ancré dans ma mémoire. Il n'a pris tout son sens que plus tard, avec les cours d'Histoire de première et terminal.

Il ne faut pas jouer avec ça. Ce n'est pas à 10 ou 12 ans que l'on est capable de donner du sens à ce que représente la Shoa[2]. Le président vit dans un monde émotionnel[3] et il a tort de s'arrêter uniquement à cet aspect là de ce drame humain.

Notes

[1] Ce matin l'euthanasie était dans l'actualité, ce sujet sera-t-il traité comme il se doit ou encore une fois jeter en pâture médiatique par le gouvernement, dans la précipitation et l'approximation émotionnelle ?

[2] Shoa ou tout génocide. Pourquoi s'en tenir à celui-ci ?

[3] Des amis disait de lui qu'il était hormonal.