Quand je parle du danger des réseaux sociaux, j'ai du mal à argumenter car pour expliquer les fonctionnements de ces derniers, on fait souvent référence à des notions qui ne sont pas accessibles à monsieur et madame tout le monde. Rapidement je me retrouve à faire un cours magistral et on m'écoute poliment, avec mon vocabulaire de geek, en me donnant le bénéfice du doute, car je ne suis normalement pas connu pour être barge ou parano. Mais j'ai l'impression de ne pas être compris.
Et puis je suis tombé sur le récit de Carole Cadwalladr. C'est limpide, c'est flippant, c'est terrifiant même quand on est un démocrate. Le voici avec la possibilité d'activer les sous-titre (en anglais seulement pour le moment). Je vais tacher de vous en faire une traduction approximative de l'essentiel, car le sujet est très loin d'être anecdotique ou réservé aux geeks. Tous les citoyens doivent en prendre conscience.
Juste après le le vote du Brexit, Carole Cadwalladr s'est rendu dans sa ville natale Ebbw Vale qui est une ville qui a été sinistrée par la fermeture des mines et de l'industrie de l'acier. Elle voulait savoir pourquoi cette région avait voté à 62% pour quitter l'Union Européenne alors que de partout on trouve de massifs investissements de l'UE pour des collèges, des infrastructures sportives ou les routes.
Des gens lui ont dit qu'ils avaient voté pour le "leave" car l'UE ne faisait rien pour eux, qu'ils voulaient reprendre le contrôle et qu'il n'en pouvaient plus de l'immigration et des réfugiés (dans la région la moins touchée par l’immigration de Grande Bretagne). D'où ces gens tenaient-ils ces slogans de la presse de droite qu'ils répétaient, dans une ville ouvrière de gauche ?
Une lectrice lui indiqua qu'elle avait vu tous "ces trucs effrayants" au sujet d’immigrants turcs sur Facebook durant la campagne. Comme il n'y a aucune archive des publicités que diffuse Facebook, il est impossible de savoir ce qui a été montré et à qui. Impossible de savoir l'effet ni même de savoir qui a financé ces publicités et pour quel montant. Le référendum a été influencé dans la plus grande opacité. Le parlement anglais à demandé à Facebook ces données qu'il possède, mais il a toujours refusé car il y a de nombreuse infractions qui ont été commises via Facebook. En effet, les règles électorales limitent le montant des dépenses. Cette élection s'est presque exclusivement faite sur internet et cette règle n'est plus respectée à cause des boites noires que sont Facebook, Google ou Youtube. On ne connaît pas l’étendue, mais on sait que les derniers jours du vote, près de 750 000 livres ont été dépensés illégalement par le camp du "leave", vraisemblablement pour diffuser des publicités mensongères sur la Turquie rejoignant l'UE. Ces publicités n'ont pas été vu par la majorité, car le camps du "Leave" a ciblé des électeurs qui pouvaient être convaincus. C'est la plus grosse fraude électorale qui ait eu lieu en GB depuis 100 ans. Si on les découvre aujourd'hui, c'est parce que le parlement britannique a forcé Facebook à les lui fournir.
regardez dans la vidéo les exemples de publicités mensongères qui ont été diffusées durant la campagne
Il y a une autre infraction à la loi avec ce groupe d'homme autour de Donald Trump et Nigel Farage, en cours d'investigation car Aron Bank a financé la campagne du "Leave" mais impossible de savoir d'où provient son argent ni même s'il est britannique. Le brexit était l'expérimentation (la boite de pétri) utilisé pour l'élection de Donald Trump. Ce sont les mêmes personnes, les même entreprises, les même données, les mêmes techniques, le même usage de la peur et de la haine.
La haine et la peur sont diffusées dans le monde entier (en France, au Brésil, en Birmanie, en Nouvelle Zélande...) via des plateforme technologiques dont on ne voit qu'une toute petite fraction de l'activité. Carole Cadwalladr a découvert ces réseaux sous-terrain en investiguant sur les relations entre Trump et Farage au travers de la société Cambridge Analytica. Un ex-employé lui a expliqué comment cette entreprise qui travaillait pour Trump et le Brexit, constituait des profils politiques des gens pour identifier leurs peurs et mieux les cibler sur Facebook via des publicités. Ceci a été fait en collectant illégalement les profils de 87 million de d'internautes via Facebook. Cette investigation a pris près d'un an, sous la menace permanente du propriétaire de cette entreprise, le milliardaire Robert Mercer, qui est aussi un des financeur de la campagne de Trump. Au moment de publier l'enquête, en plus de Cambridge Analytica, Facebook a également menacer de poursuivre en justice si elle sortait. Mais elle a été publiée.
Carole Cadwalladr interpelle les dirigeants ou fondateurs de Facebook (Mark Zuckerberg), Google/Youtube (Larry Page, Sergey Brin), Twitter (Jack Dorsey) ainsi que leurs salariés et investisseurs. Il y a 100 ans, on utilisait un canari dans les mines pour détecter le monoxyde de carbone, gaz toxique mais inodore. Aujourd'hui, la Grande Bretagne (et le brexit) sont le canari de cette énorme expérimentation technologique que nous sommes en train de vivre. La grande Bretagne subit ce qui arrive à une démocratie occidentale lorsque des siècles de lois électorales sont mises à mal par la technologie. Notre démocratie est cassée, les lois électorales ne sont plus adaptées comme le rapporte un rapport du parlement.
Ces technologies extraordinaires sont une scène de crime dont leur créateurs ont les preuves. Inutile qu'ils disent qu'ils feront mieux dans le future. Si l'on veut avoir le moindre espoir que cela se reproduise, il est nécessaire de connaître la vérité. Si vous pensez que ce ne sont que quelques publicités et que les gens sont assez intelligents, n'en croyez rien car le vote du Brexit montre que nos démocraties sont cassées, car ce n'est pas de la démocratie de diffuser des mensonges dans l'ombre, payé par de l'argent dont on ne connaît pas la source. C'est de la subversion et Facebook, Google, Twitter... en sont les accessoires.
Le parlement de GB a été le premier à essayer de leur demander des compte et a échoué, car ils sont au delà des lois GB et de 9 parlements devant lesquels Mark Zuckerberg a refusé de se présenter et de répondre. La question est beaucoup plus importante que le brexit, l'élection de Trump, la victoire de la gauche ou la droite. Est-on encore capable d'avoir une élection sincère ? En l'état non.
Carole Cadwalladr demande à ces dirigeants si c'est ça qu'il veulent que l'histoire retienne d'eux : les assistants de la propagation de l'autoritarisme tout autour du monde ? Car la même technologie qui connecte les gens est en train de les éparpiller. La question posée à tous, est-ce que nous voulons les laisser faire pendant que nous jouons avec nos téléphone alors que les ténèbres nous recouvrent ?
Cette histoire est un combat pour les droits, et ce n'est pas un exercice, c'est un moment crucial. La démocratie n'est pas garantie et ce n'est pas inévitable. Nous devons nous battre et gagner. Nous ne pouvons pas laisser ces entreprises technologiques avoir ce pouvoir sans contrôle. C'est à nous de reprendre le contrôle.