Le cout du risque

L'excellent billet de Jules de Diner's Room (comme souvent devrais dire) sur la crise boursière actuelle m'a fait m'interroger sur cette notion assez abstraite qu'est le cout du risque.

Les banques comme les assurances devraient prêter ou assurer à des couts en fonction du risque. Plus le client est solvable (pour la banque), peu accidentogène ou sujet au vol (pour l'assurance) et plus l'une ou l'autre peut abaisser le montant du crédit ou de la prime d'assurance. Un client fiable ne devrait en théorie ne couter que ce qu'il coute à l'organisme, plus un pourcentage de majoration pour aider à financer les couts des clients moins fiables (mutualisation) et les bénéfices pour les actionnaires.

Dans la pratique, combien de fois n'a-t-on l'impression que ces organismes portent ceinture et bretelles tellement la notion de risque disparait de leur catalogue. Logiquement, il devrait être possible d'emprunter ou de s'assurer quelque soit sa situation, seul le cout devrait changer. En fait, plus aucune banque ne prêtent si vous n'avez pas déjà de l'argent. Dès qu'il y a la moindre difficulté pour le ménage ou l'entreprise, ce n'est pas un coup de pouce que la banque vous donne, mais un coup de poing. Essayez d'assurer une maison avec une fissure, même si la fissure est d'origine et a 30 ans. Ce n'est même pas une question de prix ou de ce que vous voulez assurer.

Là où banquier et assureurs devraient discuter avec leur client du cout du risque qu'ils représentent et donc du montant de ce cout du risque, ce sont règlement intérieur, frais de dossier, pouvoir d'achat... qui sont évoqués. Le cout du risque est une notion absolument pas publique et sur laquelle il n'est pas possible de négocier. Ces organismes entre eux ne parlent pourtant que de cela, mais le client final n'a pas le droit de négocier le cout du risque qu'il fait courir au préteur.

Prenons un exemple. Je veux assurer une cabane sur un terrain contre le vol. L'assureur devrait me proposer un tarif avec clôture et sans clôture, un tarif avec barreaux aux fenêtres ou simples volets, un tarif en fonction de la distance à laquelle se trouve un voisin... Mais non, j'aurais obligation de mettre des barreaux aux fenêtre que je le veuille ou pas, et si jamais ne n'en met pas il refusera de m'assurer.

Savez-vous que lorqu'une entreprise assure une flotte de véhicules, le prix de l'assurance diminue au fur et à mesure du nombre de véhicules. Non pas parce que c'est un bon client, mais parce que le risque est répartit sur tous les véhicules. Une voiture individuelle assurée 200€, ne coutera que 20€ au sein d'une grosse flotte de voitures. Statistiquement, plus une flotte est grande, plus le cout des accidents par an est prévisible et donc la part du cout du risque diminue. Il n'y a plus de risque pour l'assureur, uniquement un cout réel à faire payer.

Récapitulons : les banques ne veulent que des clients absolument solvables. Ceux qui pourraient le devenir n'ont qu'à revenir lorsqu'ils le seront (c'est à dire jamais, sinon ils n'auraient pas besoin d'une banque). Les assureurs ne veulent que des clients qui n'ont jamais d'accident, les autres n'ont qu'à venir lorsqu'ils n'en auront plus (c'est à dire jamais car on s'assure contre les accidents). Les élus ne veulent que des citoyens qui sont d'accord avec eux, ceux qui pourraient avoir des idées divergentes n'ont qu'à revenir lorsqu'ils seront d'accord (c'est à dire jamais, sinon ils ne seraient pas là à essayer de l'ouvrir).

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Commentaires

1. Le lundi 20 août 2007, 17:26 par KaG

Oui... Et non :)

L'assurance fait, en ce moment, pas mal d'allers et retours sur ce sujet.
Et... Un statisticien ou un actuaire vous l'expliquerait mieux que moi.
Le coût (pur, sans marge) des assurances est calculé sur des stats de grands nombres.
Par exemple, on sait que, statistiquement, sur une population de 1000 hommes nés en 1960 au 1er janvier, nous n'en aurons plus que 960 au 31 décembre (chiffres au hasard).
Imaginons qu'on n'assure qu'un seul individu : ces stats ne peuvent s'appliquer à lui, il est seul et ça fausse tout.
Il faut donc des grands nombres d'assurés pour avoir un résultat fiable.
Plus on segmente (ce qui est la tendance actuelle) plus on prend le risque de fausser ses propres résultats et donc... de déséquilibrer son portefeuille.
De gros efforts sont, malgré tout, fait depuis quelques années.
On segmente par risques professionnels, par exemple.
On voit aussi fleurir des assurances auto "je paie comme je roule".

L'autre problème vient des réassureurs : toutes les sociétés d'assurance sont elles même... assurées.
Il est donc important, pour elles, d'avoir un portefeuille "sain".
D'où la sélection médicale à l'entrée d'un contrat de prévoyance.

Enfin, concernant le risque de plus en plus prévisible qui permet un tarif plus juste du fait de l'importance du nombre (mutuelle pour 500 salariés, flotte auto de ton exemple, etc) la différence vient aussi du fait qu'on mutualise le risque en interne.
Je m'explique : je suis seul avec mon auto, donc on m'intègre au sein d'un groupe avec un tas d'autres gens et on "mutualise" notre risque.
Si je rencontre une société qui a 200 voitures, je vais calculer un tarif propre à cette entreprise en mutualisant ces 200 risques. Elle aura certainement des primes moins chères, mais si sa sinistralité devient trop importante, ce sera l'inverse. Le tarif sur mesure est parfois dangereux. De plus, si elle contacte un nouvel assureur, celui-ci demandera les résultats des années précédentes pour calculer le ratio sinistres sur primes. Je suis, alors, piégé.

Encore autre chose concernant l'assurance emprunteur, très médiatisée ces derniers mois (à ce sujet, la loi votée ne fait vraiment pas avancer grand chose, si ce n'est en devoir d'information...).
On râle à propos des assureurs mais il s'agit souvent des assureurs pour banquiers (CNP, etc.) les tarifs et fonctionnements n'ayant rien à voir quand on va assurer son prêt chez un "vrai" assureur.
Le banquier applique, dans la plupart des cas, un tarif unique : 0.42% du crédit.
Et ce, qu'on ait 20 ou 55 ans, qu'on soit maçon ou secrétaire.
L'assureur va, en général, calculer plus finement en... segmentant, en calculant le risque au plus juste.
Ainsi, par exemple (et au hasard) le secrétaire de 20 ans paiera 0.08% mais le maçon de 55 ans paiera 0.95%.
(vous me suivez ?)
Le jeune va s'assurer chez l'assureur et le vieux maçon chez le banquier.
Si tout le monde fait ça, le banquier n'aura plus que des vieux maçons et donc un portefeuille probablement totalement déséquilibré. Il y a même de fortes chances pour qu'il y soit de sa poche.
Du coup, il va devoir augmenter ses tarifs.
Pourquoi pas, après tout, le maçon n'a qu'à pas être maçon et prendre plus de risques que le secrétaire... (*ironie spotted*).
C'est le principe de la mutualisation : plus on est de fous moins y a de riz(que).

Maintenant, reconnaissons le, et en toute objectivité : les assureurs pourraient, effectivement, faire des efforts. Plus particulèrement les "gros" ayant une assise suffisament importante. Mais... quelque soit la forme de leur société (mutuelle ou pas), ils cherchent surtout de plus en plus a gagner de l'argent.

2. Le lundi 20 août 2007, 18:32 par Cedric Augustin

@Kag : bon, on est somme toute assez d'accord. Cependant, la notion de cout du risque n'est pas forcément lié à la segmentation des clients. Je dirais que l'on peut avoir une population de client variée et équilibrée sans que tout le monde n'ai le même service (soit assuré pour la même chose). Le courtier en assurance redeviendrait un partenaire du client en créant un contrat sur mesure et non comme tu le dis, un selecteur de profils rentables.

Si l'on revient sur l'exemple des barreaux aux fenêtres. On peut avoir 2 client avec exactement le même profil et le même taux de risque, l'un qui souhaite avoir des barreaux et l'autre pas. Celui qui ne veut pas paye plus chers car il devient du coup plus risqué de l'assurer. Et s'il veut abaisser sa prime en mettant une palissade là ou l'autre ne veut pas, c'est aussi possible.

Aujourd'hui on choisi des options de remboursement d'un hypothétique accident, mais peu ou pas ce pourquoi on s'assure ou l'on ne s'assure pas. Tout est standardisé. Si l'on ne rentre pas dans la case, c'est impossible de s'assurer. Je craint que ce ne soit parce que un interlocuteur compétent coute trop chers.

3. Le lundi 20 août 2007, 22:03 par KaG

Objection votre honneur :)
Et ce que tu dis sera de moins en moins vrai avec l'exemple que tu donnes.
(ceci dit, on s'écarte un peu du sujet, mais s'agissant de mon job, ça me tient à coeur ;) )

1) Très peu de courtiers facturent le conseil (pour l'interlocuteur compétent)
D'abord, parce qu'ils sont surtout rémunérés par les Cies d'assurance, ensuite parce que l'assurance pro pour ça coute cher, et enfin parce que ça évite de se faire attaquer pour un mauvais conseil (puisque tu n'en donnes pas...) (OK, c'est assez cynique, mais une motivation pour certains à ne pas le faire)

2) Les courtiers sont désormais OBLIGES de motiver leur proposition : Monsieur le client vous avez tel profil et vous souhaitez telles garanties, je vous propose ce contrat pour les raisons que voilà.
(C'est récent, ça date de mai de cette année)

Et l'exemple du courtier est parfait : c'est lui qui trouvera le contrat pour le gars qui veut des barreaux à ses fenetres et payer moins cher, et celui qui n'en veut pas quitte à payer le double.
L'agent général sera limité à ce qu'il a en magasin.

Perso, j'ai choisi d'être courtier et de conseiller les gens (sans facturer) avant de proposer une solution.
L'avantage ? Je travaille beaucoup avec les experts comptables et le portefeuille est très sain (taux de chute ridicule)
L'inconvénient ? Beaucoup de travail "pour rien" au départ et beaucoup plus de temps pour gagner des sous :)

Bon, pour en revenir au sujet initial, c'est vrai que les assureurs ont de plus en plus de difficultés à assurer et balancent des exclusions à qui mieux mieux.
Globalement, et c'est un peu le thème de 2 billets que j'ai fait récemment : la grande politique actuelle, de tout le monde, consiste à ouvrir en grand le parapluie pour éviter les problèmes.
Mais c'est le cas de tout le monde et de notre société qui tourne vers un individualisme outrancier.

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